COMMUNIQUE DE PRESSE

 

IBUKA-Mémoire et Justice, asbl, a appris avec stupéfaction le verdict rendu le mercredi 25 février 2004 par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) dans lequel André Ntagerura et Emmanuel Bagambiki ont été acquittés des chefs d’accusation d’organisation et d’exécution du génocide des Tutsi commis au Rwanda en 1994.

 

Cette décision est d’autant plus surprenante que les deux accusés occupaient des postes politiques de haut rang respectivement de ministre des transports et de préfet de la préfecture de Cyangugu à l’époque du génocide. Or, Jean Kambanda, premier ministre du gouvernement intérimaire (condamné à la prison à perpétuité), a reconnu devant le même tribunal le rôle joué par le gouvernement qu’il dirigeait dans la préparation et l’exécution du génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. Par ailleurs, selon nos informations, plusieurs témoignages de témoins directs de la participation de ces deux accusés au génocide des Tutsi à Cyangugu ont simplement été ignorés par les juges du TPIR.

 

 En plus, les éléments suivants, bien avérés selon nos informations auraient dû, à notre avis, étayer la culpabilité des deux  inculpés :

 

- André Ntagerura, en tant que ministre des transports et des télécommunications distribuait des bus de l’ONATRACOM (Office National des Transports et des Communications) qui transportaient les milices Interahamwe vers des camps d’entraînement en vue de l’extermination des Tutsi. Il est également sur la liste des membres fondateurs de la radio R.T.L.M. dont le rôle primordial dans l’incitation au génocide n’est plus à prouver. Or, ses responsables viennent d’être condamnés par le même tribunal au terme du procès dit « des médias ».

Le 17 mai 1994, Ntagerura a accompagné le président intérimaire Théodore Sindikubwabo à Cyangugu - sa préfécture d’origine - dans la campagne d’appel à l’extermination des Tutsi qui survivaient encore dans cette région.

 

- Dans ce périple à Cyangugu, Ntagerura était également accompagné par Emmanuel Bagambiki en tant que responsable de la région.

Ce dernier, a d’abord organisé et supervisé les massacres de Tutsi au Bugesera en mars 1992, alors qu’il était préfet de la préfecture de Kigali-rural.

Sa responsabilité a d’ailleurs été épinglée dans le rapport de la commission internationale d’enquête publié en 1993 et qui qualifiait déjà ces massacres du Bugesera d’actes de génocide.

Il fût muté ensuite à Cyangugu pour y continuer le même ‘travail’ (terme utilisé pour qualifier les actes d’extermination de Tutsi avant et pendant le génocide). Outre ses appels à la population hutu de la préfecture de Cyangugu à tuer les Tutsi, Bagambiki a supervisé le massacre de plus de 400 Tutsi réfugiés à la Cathédrale de Cyangugu, en collaboration avec André Ntagerura et le lieutenant Samuel Imanishimwe (co-accusé avec les deux autres et condamné lui par le TPIR à  seulement 27 ans de prison !).

 

L’association IBUKA-Mémoire et Justice s’étonne donc que le tribunal pénal international pour le Rwanda, passant outre tous ces éléments d’accusation, ait pu rendre un tel jugement et qui plus est, au lendemain de la conférence internationale de Stockholm sur la prévention des génocides.

Bien plus, nous ne comprenons pas pourquoi, en dépit de la décision du procureur de faire appel, le tribunal ait ordonné la libération immédiate des deux accusés au lendemain du verdict, alors que rien ne peut garantir qu’ils ne tenteront pas de se soustraire à la justice.

 

Notre association insiste sur l’impact négatif d’un tel jugement sur le déroulement des procès futurs et reste convaincue que les bonnes intentions de la communauté internationale resteront lettre morte tant que des auteurs présumés d’actes de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité continuent à jouir de l’impunité, et dans ce cas-ci par le fait du Tribunal mis en place par la même communauté internationale pour l’éradiquer.

 

C’est pourquoi, IBUKA-Mémoire et Justice lance un appel à  toutes les instances tant internationales que nationales, à toutes les associations et personnes soucieuses de la répression des crimes de génocide, à tous les Etats signataires des conventions de Genève, qui en sont les premiers garants, afin que tous se mobilisent contre cette décision du TPIR, par respect pour les victimes et pour la mise en œuvre d’une justice internationale équitable, condition sine qua non pour la construction d’un avenir meilleur pour le Rwanda et pour tout autre pays du monde.

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