IBUKA Mémoire & Justice
10 ème COMMERATION DU GENOCIDE DES TUTSI: Programme 2004

IBUKA-MEMOIRE ET JUSTICE, asbl 

DIXIEME COMMEMORATION DU GENOCIDE DES TUTSI

CONFERENCE-DEBAT DU 19-03-2004 AU SENAT BELGE

                               (Salle des Congrès, Maison des Parlementaires)     

                                             ALLOCUTION D’OUVERTURE   

Excellences Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Chers invités,

Mesdames, Messieurs,

Chères amies et chers amis, membres et sympathisants de l’asbl Ibuka-Mémoire et Justice,

 

Permettez-moi d’abord, au début de cette séance inhabituelle dans cette auguste enceinte du Sénat Belge ( qui a été, il y a 7 ans, par sa commission d’enquête parlementaire sur le Rwanda, aux avant-postes de la recherche de la vérité peu après le génocide des Tutsi, le massacre politique des Hutus opposés à l’idéologie du « HUTU POWER » et le massacre des 10 casques bleus belges ), permettez-moi d’abord, disais-je, d’avoir une pensée pour les victimes innocentes de ce génocide en leur rendant hommage, à la veille de la dixième commémoration, par quelques minutes  de silence……

 

Quand je parle de victimes, il s’agit de victimes décédées mais aussi de victimes survivantes qui vivent encore actuellement dans leur chair et leur esprit les atrocités subies au cours de ces jours macabres du génocide, car, d’une certaine manière, le génocide continue avec ses séquelles, ses  conséquences, dans leur être. Et puis, il faut peut-être y insister parce que la plupart d’entre nous n’y font pas suffisamment attention : victimes, nous le sommes tous, à divers degrés, dans ce crime des crimes contre l’humanité. Ce génocide des Tutsi ne concerne pas seulement le Rwanda et les Rwandais, il fait partie du triste patrimoine de toute l’humanité et de tous les pays de cette planète Terre, à  l’instar des deux autres génocides du 20ième siècle , connus et reconnus par la communauté internationale ( le génocide arménien et le génocide juif).

 

C’est en effet pour une large part à cause des victimes directes mais aussi de victimes indirectes que nous sommes rassemblés ici afin de tirer des leçons du passé pour mieux construire et préserver l’avenir,  de poser des jalons pour un monde meilleur, exempt, tant que faire se peut, d’idéologie génocidaire, de xénophobie et de racisme, d’injustices et d’impunité, au Rwanda comme partout ailleurs . Et cela en vue d’ une humanité plus pacifiée, plus solidaire et plus fraternelle.

 

Notre deuxième pensée est  une pensée de remerciement et de reconnaissance pour le Sénat , son président et certains de ces éminents  membres ici présents  dont l’hospitalité et la sollicitude,  l’empathie et le soutien, depuis le commencement des activités d’Ibuka en août 1994, réconfortent et  vont droit au cœur de tous les membres et sympathisants d’Ibuka-Mémoire et Justice.

 

Un  grand merci à tous nos partenaires dans la lutte pour la vérité et le refus de tout négationnisme, pour la défense du devoir de Mémoire et de Justice, pour leur constantes disponibilité,  présence et engagement  à nos côtés et particulièrement à cette occasion de la 10ième commémoration  du génocide des Tutsi.

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames,Messieurs,

 

Dans cette salle historique, nous allons écouter, débattre et émettre des opinions, des suggestions ou des recommandations sur deux questions essentielles et vitales en rapport avec le génocide perpétré au Rwanda en 1994 , souvent occultées par pudeur ou hypocrisie ou dérobade ou mépris : à savoir les responsabilités de la communauté internationale en général et en particulier les responsabilités et les implications de certains Etats et Institutions internationales  avant, pendant et après le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda ainsi que les conséquences à tirer de ce constat en cas de complicités avérées de certains Etats ou Institutions.

 

Comme vous ne l’ignorez pas, après cette tragique ‘flétrissure de l’humanité’( suivant les mots du professeur Eric David lors de nos ateliers de l’an passé) et suite aux résolutions du Conseil de Sécurité sur le génocide perpétré contre les Tutsi par les extrémistes hutus et leurs complices ( résolutions 918 du 17 mai 1994, 935 du 1 juillet 1994 et 955 du 8 novembre 1994), les commissions d’enquête ou d’information indépendante ou pas, commanditées pour différentes raisons et diverses visées par un petit nombre d’Etats ou Organisations tant nationales qu’ internationales, ont vu le jour et  se sont penchées sur ces événements catastrophiques pour en saisir la genèse, le développement et l’exécution.

 

Il s’agit principalement des commissions suivantes qui ont produit de volumineux rapports, de portée inégale, rapports cités ci-après,  par ordre chronologique de diffusion :

 

 

.Le rapport de la commission d’enquête du Sénat Belge de décembre 1997

.Le rapport de la mission française d’information de décembre 1998

.Le rapport de la commission indépendante d’enquête de l’ONU de décembre 1999

.Le rapport du Groupe International d’éminentes personnalités de l’OUA de mai 2000.

 

A ces 4 commissions vient de s’ajouter une cinquième en cette année 2004, la commission d’enquête citoyenne, commanditée par la société civile française et lancée par 3 asbl françaises qui tiennent à faire la lumière sur le rôle et les implications de la France dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda aux fins d’amener la France, une fois les faits prouvés, à s’amender par une reconnaissance authentique de ses responsabilités ou complicités  et par une juste réparation envers les victimes.

 

Comme la plupart d’entre vous le savent aussi, jusqu’à maintenant, 2  pays seulement (les Etats Unis d’Amérique et la Belgique) ont battu leur coulpe sur le sol rwandais. L’ONU a reconnu également ses manquements. Par contre, alors  que presque tous ces rapports épinglent les responsabilités de plusieurs pays et institutions et spécialement celles, très graves, de la France et des Eglises  catholique et anglicane, aucune repentance n’est venue ni de ce pays ni de ces institutions .

 

Mais le mea culpa ne suffit pas comme repentance,… ni pour les individus, ni pour les communautés, ni pour les Etats ni pour les institutions internationales. Encore faut-il s’amender en contribuant  à  réparer ce que l’on a contribué à détruire.

 

Les doctes conférenciers  de ce matin comme ceux de l’après midi détailleront nettement mieux  que moi ce point crucial et équitable d’indemnisation des victimes.  et de réparation. La demande de pardon devrait s’accompagner d’une forme de sanction sans quoi ce serait considéré comme une supercherie ou une imposture ou une arnaque ou une simple dérobade.

 

Le Rwanda post-génocide, bien qu’il semble s’en sortir  relativement bien dans tous les domaines matériels pour le moment, ploie sous un joug de multiples  problèmes non ou mal résolus à cause en partie des maigres  moyens qui sont les siens et en grande partie par une insuffisance d’aide et de soutien de la communauté internationale.  Certains pays et institutions, parfois responsables ou coupables de façon directe ou indirecte d’avoir manqué à leur devoir d’assistance à toute  une population en danger de mort, tentent même de couper l’herbe sous les pieds du gouvernement rwandais actuel.

 

Une fondation pour la réparation et pour un commun avenir serein  est nécessaire non seulement pour soulager le sentiment de déréliction des rescapés, mais aussi par devoir moral. Ainsi, le monde pourra exorciser sa passivité ou sa lâcheté et  prévenir la récidive,  le retour de l’immonde dans ce beau pays du Rwanda ou son émergence dans n’importe quel autre pays du monde.

 

 Si le génocide s’est déroulé en 100 jours au Rwanda, il pouvait être arrêté comme l’ont  démontré plusieurs rapports  dont celui de l’Organisation de l’Unité Africaine (actuellement Union Africaine) qui était intitulé : « Rwanda : un génocide qu’on aurait pu stopper ». 

 

Malheureusement, dans les faits, la communauté internationale ne  semble  pas avoir  tiré quelques leçons du génocide récurrent  des Tutsi au Rwanda de 1959 à 1994. Actuellement encore, elle  assiste parfois sans états d’âme à des conflits dans lesquels des actes de génocide ou des crimes contre l’humanité sont commis. Elle n’anticipe guère malgré de multiples signes avant-coureurs des tragédies ou des catastrophes. Il suffit de rappeler ne fût-ce que la situation actuelle en Afrique (RDC, Burundi, Soudan, Uganda, Côte d’Ivoire, Libéria, Nigéria, Sierra Leone, Somalie, Algérie…). Il en va de même pour les autres continents…

 

Il est l’heure ou plutôt il est impératif  de se réveiller et comme l’a si bien exigé le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Koffi Annan, lors du récent congrès de Stocholm, de  faire de la volonté d’agir et de veiller,  une priorité."La prochaine commémoration des 10 ans du génocide du Rwanda invite à faire une pause et à réfléchir à la manière d'éviter de pareilles atrocités à l'avenir", a-t-il dit.

Si la priorité première des Etats est de protéger leur population, "quand cette protection fait défaut, nous partageons tous, dans la communauté internationale, la responsabilité de protéger les autres êtres humains de violations massives et systématiques des droits de l'homme, quels que soient le moment ou le lieu où cela se passe", a déclaré M. Annan. (source : AFP 09/03/04),

 

Quelques vrais hommes d’Etat, (tel Lincoln ) et hommes de Lettres (tel Victor Hugo) ont déjà relevé ce laisser-faire à propos de massacres ou tueries de toutes sortes qui se commettent. En les paraphrasant, on pourrait avancer ceci : les massacreurs ou les génocidaires qui commettent ses forfaits sont effrayants mais les spectateurs passifs qui les laissent faire sont épouvantables et tout aussi effrayants. C’est parce qu’on les laisse faire que les massacreurs ou les génocidaires commettent leurs forfaits. La passivité, le manque de volonté politique, la croyance des bourreaux  à l’impunité, voilà les maîtres-mots de cette période du génocide perpétré au Rwanda au vu et au su de la communauté internationale. Les moyens et les instruments de prévention  ne manquaient pas et les signaux annonciateurs de la catastrophe étaient manifestes et connus par les grandes puissances et par des institutions internationales. Ces moyens et ces instruments seront-ils disponibles si  jamais un génocide survenait  encore quelque part ? L’état de veille a-t-elle un appui institutionnel au niveau de la communauté internationale ? Il semblerait que l’ONU aurait pris la décision d’en créer un,- nous nous en réjouissons-, au cours de la conférence récente de Stocholm.

 

Mais nulle part, dans ces discours,  on ne parle de façon claire des mesures prises pour  la réparation et l’indemnisation des rescapés du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 ainsi d’ailleurs que pour le soutien durable du gouvernement actuel du Rwanda dans son action d’application de la Justice et de tentative de ressouder le peuple rwandais.

 

Maints problèmes cruciaux se posent au Rwanda à cause du génocide : au niveau des infrastructures en général, au niveau des propriétés des rescapés détruites, au niveau de la santé physique et psychique fortement abîmée ou perturbée pour la très grande majorité, au niveau de l’éducation des enfants rescapés et  orphelins,  au niveau des filles et femmes violées, sans soins, mourant à petit feu du sida (alors que des prisonniers génocidaires ont droit à la trithérapie), au niveau du système judiciaire dépassé par les événements, au niveau des ressources du sol et du sous-sol inexploitées en raison de priorités vitales du quotidien, etc…  

 

Tout comme la Belgique s’est portée en pointe pour faire la lumière sur le génocide perpétré au Rwanda en créant avant tous les autres pays la commission d’enquête parlementaire sur le Rwanda et en appliquant la loi de compétence universelle  avec les 4 accusés de Butare, Ibuka formule le voeu qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin et qu’elle fasse sienne la priorité de réclamer à l’ONU, au Vatican, à la France, à la Belgique, aux Etats Unis, , au Canada, à la Suisse, ,….. avec l’aide et l’appui de pays amis, de contribuer à une fondation de réparation et d’indemnisation des victimes du génocide des Tutsi au Rwanda.  

 

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames, Messieurs ,

 

 

C’est dans cette historique enceinte que nous avons l’honneur de pouvoir, avec l’aide des personnalités dont la plupart ne sont plus à présenter,   passer au crible certains faits, en face de nombreux rescapés et de leurs amis et proches qui tous ne demandent qu’une chose : qu’ils soient préservés du discours creux ou de la rhétorique vide du « plus jamais ça » sans aucune suite ni pour les survivants du génocide ni pour les coupables ou complices  de ce crime des crimes contre l’humanité. Que notre journée soit marquée au coin de la vérité, de la justice et du souvenir et non de la langue de bois ! C’est du reste le sens et la motivation de notre Appel que vous trouvez dans votre farde de cette journée et auquel nous vous invitons de souscrire.

 

 

 La première partie, consacrée à la comparaison des 4 commissions sur le génocide sera présidée par Monsieur Alain Destexhe. Vous le connaissez probablement tous. Il n’est plus à présenter.  En effet, il fut un des rares intellectuels et politiciens belges à dénoncer,  dès les premiers jours, le génocide et les massacres commis au Rwanda en 1994. Par la suite, il sera à la base de la commission parlementaire belge sur le Rwanda et l’ambassadeur de cette commission dans les média tant nationaux  qu’internationaux. Il fut une vraie cheville ouvrière de cette commission…et même si la loi de compétence universelle a connu une éclipse, il continue son combat pour une compréhension adéquate de ce génocide  et de ces conséquences, de sa répression et de sa prévention.  

 

Non seulement, il va présider….mais il participera également à cette conférence-débat comme conférencier. Je lui laisse le soin de présenter plus longuement et plus tard ses collègues conférenciers de la première partie de la conférence-débat qui sont : le professeur Eric David, une sommité en Droit international de l’Ulb et soutien sans faille d’Ibuka-Belgique, le Major Stefan Stec qui était assistant du général Dalaire au sein de la Minuar au Rwanda pendant le Génocide,   l’Ambassadeur du Rwanda  à Bruxelles, Monsieur Emmanuel Kayitana Imanzi ainsi que le Secrétaire Exécutif de l’Union Africaine auprès de l’Union Européenne, le Dr Victor Emmanuel Djomatchoua-Toko dont l’institution a accepté avec bienveillance, grâce à son intervention, la sponsorisation de nos activités pour cette dixième commémoration en Belgique. 

 

La deuxième partie sera   présidée par Monsieur Philippe Mahoux, sénateur et Docteur en médecine à l’instar de Monsieur Alain Destexhe. Ibuka-Belgique  jouit de son soutien actif depuis longtemps également. En même temps que cette présidence, en sa qualité de rapporteur de la commission d’enquête du Sénat Belge, il nous entretiendra des responsabilités et implications belges et nous présentera aussi plus amplement, dans l’après midi,  les conférenciers de la deuxième partie qui sont les suivants : Monsieur le Sénateur Pierre Galand qui fut un partenaire de première heure d’Ibuka-Mémoire et Justice, qui fustigeait déjà dès 1995 le rôle inique et la complicité de certains pays ou organismes d’Etats dans la planification indirecte et l’exécution du génocide des Tutsi au Rwanda. Le dernier intervenant sera le président d’Ibuka, le Docteur Kalisa Placide, spécialiste en ophtalmologie et en plusieurs autres domaines comme vous pourrez le constater.  Il est à signaler que  Monsieur Gerald Caplan, coordinateur international de Remembering Rwanda, n’a pas pu se ‘disponibiliser’ pour cette journée  et ne sera donc pas avec nous aujourd’hui.

 

Pour terminer, je vous répète le souhait de l’asbl Ibuka-Mémoire et Justice : que cette conférence-débat soit efficace, constructive, innovante et soucieuse de faire éclater, sans langue de bois,  peut-être pas toute la vérité mais au moins une bonne partie de la vérité sur les sujets qui vont être traités ; que cette conférence-débat soit l’occasion de suggérer de façon prospective les pistes de Justice  et de réparation afin que l’humanité renaisse de ces cendres au Rwanda, qu’ on n’ assiste plus ni là ni nulle part ailleurs  à la récidive de ce qui s’y est passé d’avril à juin 1994  et que nos différences, nos identités, au lieu d’être mortelles, nous portent à plus d’enrichissement interpersonnel et à plus-d’être..

 

 

 

Ibuka souhaite plein succès à cette journée de réflexion et de débat  et remercie, une fois de plus, les Sénateurs qui nous ont aimablement  introduit dans leur cénacle pour ces travaux, sans oublier, bien sûr,  toutes les personnes qui, dans l’ombre ou la pénombre, ont contribué à la tenue de cette journée..

 

Je vous remercie.

 

 

                                                                       Gakumba Hangu Albert

                         

                                                       Coordinateur de la 10ième commémoration

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